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Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates

By admin, 16 février 2010 16:00

« Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates »


Un nom improbable pour un succès mérité : The Guernsey Literary and Potatoe Peel Pie Society a vu son titre français tronqué (il faudrait, plus littéralement, comprendre : Le cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey). Le roman, écrit à quatre mains, est l’œuvre de Mary Ann Shaffer, bibliothécaire américaine, et de sa nièce Annie Barrows, auteur de littérature de jeunesse.

Ce récit épistolaire met en scène la très attachante Juliet, elle-même écrivain, qui découvre le passé perdu de l’île anglo-normande : le temps de l’Occupation allemande, temps des souffrances et des doutes qui voit naître un horizon inattendu de courage et d’amour. L’histoire est celle d’un groupe passablement hétéroclite (« un chiffonnier, un aliéniste déchu qui boit trop, un porcher bègue, un valet de pied qui se prend pour un lord…»), qui, sous couvert de littérature, se réunira pour partager quelques dîners à la barbe de l’occupant.

L’ensemble donne lieu à un propos rafraîchissant sur l’amour de la lecture; les expériences du livre qui se partagent émeuvent et surprennent: celle de Clovis (« Il m’a donné à lire un livre d’un certain Catulle »), d’Eben Ramsey (« J’en suis venu à comprendre que messieurs Dickens et Wordsworth pensaient à des hommes comme moi en écrivant »), ou encore de John Booker (« Je n’ai lu et relu qu’un seul livre: les Lettres de Sénèque traduites du latin, en un seul tome avec appendice. »)

Tout cela ne donne encore qu’une idée bien limitée de ce grand succès romanesque : Juliet, qui porte le roman,rappelle irrésistiblement les héroïnes de Jane Austen ou des sœurs Brontë. Le roman est dans le sillage implicite des grands auteurs de langue anglaise, de Charles Lamb à Oscar Wilde. Il proclame jusqu’à la fin l’amour de la littérature, bercé par les flots de Guernesey : « Le soleil couchant borde les nuages d’un or luminescent et la mer gémit au bas des falaises. Quand je me suis levée, ce matin la mer semblait pleine de piécettes d’or. Et, maintenant, on la croirait recouverte de dépôts de citron. »

Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, Nil éditions, avril 2009, 391 p., 19 €.

Gwénaëlle Ledot.  

Article paru dans le Normandie Magazine N° 232 Novembre-Décembre 2009

Bruno de Cessole, Le moins aimé

By admin, 12 février 2010 14:34

Ce fripon de Sévigné !

Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné… Qui n’a pas lu, un jour, l’une de ces lettres adressées par la marquise à sa fille, la bien-aimée Madame de Grignan ? La voix alerte, les subtilités de la belle épistolière sont léguées à la postérité : grâce inimitable qui sème le mot choisi et le trait d’esprit, reconnaissables entre tous.

L’ouvrage de Bruno de Cessole, inscrit dans les marges, semble oublier un instant la fille et la mère pour faire entendre la voix du fils. Charles de Sévigné est, aussi, le « moins aimé » de la famille.

Sous sa plume, la musique du Grand Siècle charme l’oreille, tandis qu’une étonnante galerie de portraits enchante l’œil : l’on y croise Scarron et Louis XIV, la belle et brillante Ninon de Lenclos, Madame de La Fayette (grande amie de la marquise) et La Rochefoucauld, qui dispense au jeune Charles quelques conseils avisés. Les chantres de « l’extrême beauté » de la marquise de Sévigné s’y font entendre, çà et là.

Trois strophes du bonhomme La Fontaine, quelques pointes de Benserade, des stances de Saint-Pavin… Le lecteur goûte avec grand plaisir l’immense culture de Cessole. Se rappellent à lui, comme une bonne surprise, tous les Diafoirus de Molière, les longs romans de Mlle de Scudéry et l’esprit des salons.

Quant au fils, mal aimé ou moins aimé… Charles de Sévigné, délaissé par sa mère, grandit, séduit, (« ah, mon père, pourquoi m’avez-vous fait si beau ? »), fait la guerre… Trompettes et tambours se substituent aux madrigaux et épigrammes. « Quinze années à affronter tantôt la pluie, les bourrasques et le froid, tantôt les mousqueteries, les canonnades et les charges de l’ennemi. » Charles se heurte pourtant à l’incompréhension de sa mère, qui rejette ses choix, l’humilie à l’occasion et semble lui refuser la possibilité du bonheur. Le fils lui écrit une très longue lettre, l’aveu du moins aimé…

 Bruno de Cessole a reçu en janvier 2009 le prix des Deux Magots pour son précédent ouvrage, L’heure de la fermeture dans les jardins d’Occident.

Le moins aimé, Bruno de Cessole, éditions de La Différence, août 2009, 283 pages, 17 euros.

Article publié dans le Normandie Magazine N° 233 du 23 décembre 2009.

Gwenaëlle Ledot.

Nicolas Fargues, Le Roman de l’été

By admin, 11 février 2010 17:49

                  Vue sur la mer

L’acuité d’un regard sur les petites misères de l’époque : Nicolas Fargues s’inscrit dans la comédie sociale, esprit Bacri-Jaoui. Une influence cinématographique qu’il revendique pleinement. Ce sera donc une chronique douce-amère, construite comme un scénario, que son Roman de l’été.

John Bennet a cinquante-cinq ans. Amateur de jolies filles, célibataire et père de la charmante Mary, il jouit en dilettante d’un héritage confortable : il s’agit de profiter de la quiétude estivale, sur les côtes normandes, pour se lancer dans l’écriture. John cherche un incipit, John s’enferre dans les affres de la page blanche, tout en rêvant de gloire littéraire. Las ! Sa fille débarque avec une très attirante camarade et de piquants démêlés amoureux ; les notables locaux lancent des invitations de convenance ; une vedette de la télé vient promouvoir un roman à succès. Les entraves du quotidien embarrassent notre écrivain. Qui s’accroche pourtant à son projet : « Un roman forcément destiné à être remis à un éditeur dans une chemise cartonnée extensible à sangle de nylon. Un roman destiné à être publié dans la collection “Blanche” de Gallimard exclusivement. Un roman à la Gary, à la Modiano, à la Le Clézio ou à la Kundera, avec un beau titre simple et grandiose, du genre Le Bel Été. » Scènes de la vie de province et satire des milieux parisiens… tout s’organise, dans l’ironie et la distance, autour d’un mini-drame local : le voisin de John veut percer un trou dans le mur mitoyen pour jouir de la « vue sur mer ».

Si le roman offre quelques jolies descriptions des plages du Nord-Cotentin, Fargues se tourne plus volontiers vers quelques bons morceaux satiriques : malentendus familiaux, savoureuse rencontre avec l’improbable auteur du Sanglot madécasse, visite aux Parisiens bobos, comme autant de tableaux, acides et ensoleillés, de notre été normand.

Nicolas Fargues, Le Roman de l’été,
POL, août 2009, 324 p., 19,50 €.

Article publié dans le Normandie Magazine N° 233  du 23 décembre 2009.

Gwenaëlle Ledot

Christian Bobin, Les Ruines du ciel

By admin, 9 février 2010 14:57

 

                           Fragments de paradis.

 

 

Longtemps, Christian Bobin n’a écrit que pour une poignée de lecteurs, happy few séduits par l’élégance de l’écriture et la beauté du trait. L’accueil réservé à son dernier opus, Les Ruines du ciel, publié chez Gallimard, souligne un succès, public et critique, qui va croissant.

Sur les pas de Jean Follain, poète normand que Christian Bobin cite volontiers, un hommage aux êtres et aux choses de son monde, disparus ou à disparaître. Les religieuses de Port-Royal célébrées par sa plume sont autant de figures d’intercession qui ouvrent au lecteur les voies du monde, sinon du ciel : « Le sens de cette vie c’est de voir s’effondrer les uns après les autres tous les sens qu’on avait cru trouver. » Un chat noir, comme une pensée charbonneuse, passe.

« Il n’y a aucune différence entre le paradis et l’enfer. » Les traces de la vie et de la mort, entremêlées, se font parcelles de divin : des miettes de pain, ou trois roses fatiguées ; un bouquet de mimosa auquel l’auteur veut rendre grâce ; le peigne en or d’une poupée. « J’ai surpris les yeux de Dieu dans le bleu cassant d’une petite plume de geai. » L’écriture poursuit le monde, ou le rêve du monde. « Je ne sais pas vivre mais qui le sait ? » Christian Bobin traque le réel dans ses éclats ou ses obscures paillettes, dans toute sa lumière blanche et ses reflets dorés.

Pas de trame narrative ici, des fragments plutôt ; morceaux de ciel, éclats de vérité, parcelles du monde, qui rayonnent autour de figures choisies : Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal, Pascal, Louis XIV. L’écriture oscille entre un présent d’éternité et des incursions dans le Grand Siècle : « Au dix-septième siècle même les garçons d’écurie parlent cette langue où les mots s’entrechoquent comme des verres de cristal remplis d’une lumière printanière. »

Article publié dans le Normandie Magazine N° 233 du 23 décembre 2009.                                                                                                                                                                                                                   Christian Christian Bobin, Les Ruines du ciel, Gallimard, août 2009, 182 pages, 15,50 €.

 Voir la biographie de Christian Bobin.

Gwenaëlle Ledot

Martin Winckler, Le Choeur des femmes

By admin, 8 février 2010 17:49

Étrange épopée

Étrange épopée du corps féminin. Dix ans après le succès de La Maladie de Sachs, Martin Winckler poursuit son cycle médical et plonge ses (fidèles) lecteurs dans l’univers hospitalier : une jeune interne, Jean Atwood, est affectée dans le service du docteur Franz Karma, spécialisé en gynécologie. Décrit comme un « barbu mal dégrossi », ce médecin franc-tireur privilégie l’écoute et la compréhension et, à l’instar d’un Dr House, établit ses propres règles, quelque peu en marge du système.

Martin Winckler, fin connaisseur des meilleures productions américaines, auteur des Miroirs de la vie et des Miroirs obscurs, ne se prive pas, d’ailleurs, pour citer les aphorismes de l’étrange médecin de cette excellente série (« Tout le monde ment ») et d’en livrer, à l’occasion, l’exégèse : « Ça ne veut pas dire : “tout le monde ment pour couillonner les médecins”; ça veut dire: “Tout le monde ment parce que tout n’est pas facile à dire”. Tout le monde ment pour protéger quelque chose. Pour se protéger de quelque chose. »

Polyphonie et canevas musical sont les deux ressorts narratifs du roman. Le chœur des femmes est le corps, le cœur de l’humain : un flot sanglant de plainte et de malheur, un flux ininterrompu de lamentations. La souffrance se traduit en monologues parfois crus, livrés à l’intimité physique et psychologique; mais le message premier adressé au médecin est transparent : « J’ai vraiment peur aidez-moi svp ».

L’intrigue qui se noue entre le titulaire et sa stagiaire, sur le mode initiatique, préserve un suspens bienvenu et livre au lecteur des traits d’humour heureux. La fin, quelque peu rocambolesque, ne parvient pas à gâcher le reste. Martin Winckler réalise son rêve synthétique : un sujet extrême (gynécologique) et le mélange absolu des genres, au service d’un idéal que l’ancien médecin défend depuis toujours : le respect des patients.

 

Le Chœur des femmes, Martin Winckler, POL,aoüt 2009, 603 p., 22,80 €.

Les Miroirs de la vie : histoire des séries américaines, éditions Le Passage, 2005.

  

Article paru de le Normandie Magazine N° 232   de novembre-décembre 2009. Gwenaëlle Ledot.

 

Martin Winckler présente “Le Choeur des femmes”

(Voir la vidéo).

 

Winckler’s Webzine
Le site personnel de Martin Winckler

 

 

 

Du Mal quotidien au Mal radical (La littérature et le Mal)

By admin, 7 février 2010 22:07

  Pierre Tal Coat 

La Littérature et le Mal.

 

C’est l’un des titres célèbres du critique littéraire Georges Bataille. C’est aussi le thème central, essentiel et difficile, de quelques romans parus cette année : Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, de Didier Decoin, publié en février 2009, rendait compte d’un crime contemporain, de l’ordre du fait divers : le calvaire enduré par la jeune New-yorkaise Kitty Genovese, poignardée dix-sept fois et vouée à une lente agonie, sous les yeux impassibles de trente-huit témoins.

Interviewé par Catherine Forestier, l’auteur évoque la genèse du double crime : crime de la cruauté, crime de l’indifférence :

« Je suis persuadé que ces trente-huit personnes n’ont pas volontairement regardé Kitty se faire assassiner. Je pense qu’ils n’ont pas jubilé. Mais je crains qu’ils n’aient rien compris au film. Ils étaient derrière leur vitre comme moi je suis derrière mon écran de télévision – une vitre ou un écran, c’est le même matériau - je vois des choses abominables et je ne fais rien. »

Didier Decoin va plus loin et lit dans cette impassibilité criminelle un mal contemporain : 

« le vrai virus qui est en train de ronger notre civilisation, c’est cela, c’est cette indifférence . C’est de regarder la vie comme un spectacle. »

Doit-on évoquer la responsabilité collective d’une société contemporaine, qui contribue à une déshumanisation mortifère  ?

« Qu’ils portent quelqu’un au pinacle ou qu’ils le lynchent, les médias transforment l’être humain en objet de spectacle, ou en acteur d’un spectacle, c’est-à-dire en quelqu’un qui n’est pas réel. »

Didier Decoin souligne dans ce sens la problématique commune à son récit et à un autre roman de l’année : Mangez-le si vous voulez, publié en mai 2009, prenait appui sur une anecdote historique, ancrée dans le Périgord du  dix-neuvième siècle. Jean Teulé racontait comment un jeune noble apprécié de tous, Alain de Monéys, s’était rendu au village de Hautefaye, à quelques kilomètres de chez lui. Quelques heures plus tard, sur la base d’un malentendu prétexte, les villageois l’auront battu, torturé, brûlé vif… et mangé. Inlassablement, Teulé s’interroge, et interroge ses lecteurs : effet bouc émissaire ? Effet d’hystérie collective ? Xénophobie ? Pulsions sadiques inhérentes à la nature humaine ? Les raisons sont multiples, et toutes aussi insuffisantes. L’auteur ne fait pas dans la dentelle : il décrit, insiste, écœure, rebute. En une phrase ?

« Nul n’est à l’abri de l’abominable. Nous sommes tous capables du pire ! » 

Didier Decoin, lecteur de Jean Teulé, saisit pour nous les convergences de ces deux crimes, deux faits divers apparemment incomparables :

« Bergson l’a dit il y a longtemps : quand on regarde un ivrogne qui tombe, ce n’est plus un être humain, c’est un spectacle. C’est ce que raconte Teulé. Et ce qui est terrible, c’est que lorsqu’on a demandé aux gens, lors du procès : « Pourquoi avez-vous fait cela ? », ils ont répondu : « On ne sait pas. On est des gens bien. Et lui, c’était un type bien. » Ils l’ont mangé, quand même ! Homo homini lupus : l’homme est un loup pour l’homme… »

Et pour décrire le Mal, peindre le Mal, la littérature recourt à des modes bien différents : écriture clinique pour Didier Decoin, et relation froide d’un fait divers à l’issue connue. Chez Jean Teulé, au contraire, la profusion descriptive frôle un absurde macabre. Partout, la présence énigmatique du Mal ordinaire.

« Il n’y a plus guère que le diable pour profiter d’un jeu si laid. » (J. Teulé)

Le  littéraire use de figures : dans les romans, les images monstrueuses ou démoniaques seront  chargées de dire l’indicible. Déjà Aragon, cité en épigraphe par Didier Decoin : « Ce fut au petit jour que dans ton cœur, un dragon plongea son couteau. Est-ce ainsi que les hommes vivent ? »

Ailleurs, on retrouve le principe de Lucifer et la chute de Satan. L’Enfer de Dante. Clichés ? Epuisement du langage ? Représentations vaines et éculées ? Pas si sûr. Gérard Rabinovitch, philosophe et sociologue, convoque figures mythiques et analyses freudiennes pour un éclairage nouveau sur le Mal absolu.

 

 

Littérature et histoire : le Mal radical par Gérard Rabinovitch.

  

De prime abord, l’essai de Gérard Rabinovitch nous paraît bien loin des figures littéraires : ce philosophe, chercheur au CNRS, est membre du Conseil scientifique du Mémorial de Caen. Interviewé par Catherine Forestier à l’occasion de l’exposition « Survivre » au Mémorial (Voir Normandie Magazine n° 230), il revient sur l’exploration fondamentale dont rend compte son ouvrage, De la destructivité humaine, paru en 2009.

La question : pourquoi le Mal absolu ? L’une des réponses : « La fraternité humaine, c’est un travail, ce n’est pas une donnée acquise au départ. L’hostilité est évidente, alors que la fraternité est un travail de civilisation. »

Lorsque philosophes et historiens empruntent  aux symboles pour retrouver une parole perdue ou impossible, l’Enfer reparaît d’ailleurs: « L’Enfer n’est plus une croyance religieuse ni un délire de l’imagination, mais quelque chose de tout aussi réel que les maisons, les pierres et les arbres qui nous entourent. » (Hannah Arendt)

Gérard Rabinovitch l’explique : comme d’autres avant lui  - on songe à La Culpabilité allemande de Karl Jaspers -, il se livre à une exploration du Mal radical. Une mission dévolue à « ceux qui viennent après », ne peuvent et ne veulent s’y soustraire. Son ouvrage est voué depuis lors à une exploration des sociétés mortifères. Parmi elles, le nazisme.

Premier paradoxe : la barbarie au pays de Kant et Goethe ? « Frappés d’effroi et de stupeur, ils devaient constater qu’on pouvait lire Goethe, écouter du Bach, et aller chaque matin à son office meurtrier à Auschwitz. » Un problème allemand ? Européen ? Humain ? Le concept de barbarie ne suffit plus, explique Rabinovitch.

« Longtemps, le monde du progrès s’est couché de bonne heure », rappelle-t-il : confiance absolue dans la Technique, le Savoir, le Progrès. Si l’illusion est terrible, le jugement est sans appel : « si les hommes ne deviennent pas meilleurs avec l’accroissement des facultés apportées par le Savoir, cela signifie alors qu’ils deviennent pires. »

« C’est au cœur de l’Europe que s’est révélé le degré ultime de barbarie jamais atteint par l’homme » souligne Georges Steiner : au vingtième siècle se scelle le pacte terrible du progrès et de la barbarie, prédit par Freud en 1938.

Précisément, les ouvrages du psychanalyste apportent à Rabinovitch une clef inattendue et décisive : par l’hypothèse de la pulsion de mort , la psychanalyse pourrait rendre raison de ce que l’on consigne sous la formule de « Mal radical » : dans Malaise dans la civilisation, Freud  souligne combien en son fonds l’homme est un meurtrier. Le texte ouvre la voie de la conception freudienne de la barbarie : celle d’un terreau imbibé de sang dans lequel toute Civilisation trempe ses pieds.

Quelle est la faute de la société ? De ne jamais prendre en compte l’agressivité,  la cruauté et  la destructivité native chez l’homme.

Face à la réalité incurable de cette agressivité, Freud rappelle donc que le danger principal pour la civilisation - et l’erreur majeure en politique - résident dans l’incapacité à guetter les puissances virtuelles de destruction présentes dans l’homme. (Voir De la destructivité… , G. Rabinovitch, p. 49).

D’où des règles d’action, tracées par Freud de façon très pragmatique, pour le Politique :

« Il faut que le législateur suppose par avance que tous les hommes sont méchants, et qu’ils sont prêts à mettre en œuvre leur méchanceté toutes les fois qu’ils en ont l’occasion. »

 

 

Léviathan et Béhémot.

 

Behemoth et Léviathan, Lithographie de William Blake

Suivant l’idée que le mythe permet d’exprimer des vérités complexes,  Gérard Rabinovitch ressuscite deux figures anciennes pour sonder le « destin pathologique des sociétés dites civilisées ».

Léviathan et Béhémot sont dans leurs origines deux monstres épouvantables, nés babyloniens, dont on trouve la mention dans le poème de Job. Dans la tradition philosophique, Léviathan désigne l’État coercitif, Béhémoth son antonyme et son pendant : le non-État, le chaos, le désordre mortel de l’absence de loi. Par glissement, Léviathan est devenu de nos jours le nom générique et allégorique des formes oppressives et totalitaires du politique. Depuis les analyses de Franz Neumann, Béhémot est adopté pour désigner les forces conjuguées de la destruction de l’humanité dans l’homme,

Jusqu’ici, le nazisme a été identifié comme un Léviathan. Gérard Rabinovitch montre au contraire qu’il s’agit d’y lire le Béhémot : un chaos destructeur, une structure plus proche d’une subculture mafieuse, dans laquelle la hiérarchie des individus est parallèle à celle du crime  : l’agressivité et la violence y sont toujours sanctionnées positivement ; il y est évident que toutes les vies n’ont pas la même valeur. La vie des uns vaut moins que la vie des autres… (Voir De la destructivité… , G. Rabinovitch, p. 79 à 89.)

Gérard Rabinovitch le résume ainsi pour Catherine Forestier : L’auteur décline, implacablement, les paramètres mortifères communs : l’héroïsation de la violence ; la  force brute et l’agressivité belliqueuse ; le défoulement héroïsé de l’agressivité, de la cruauté, du mensonge, de la perfidie. 

Finalement, cette agrégation entre l’héroïsation de la violence et une forme de rationalité instrumentale génère cette monstruosité hétéroclite qu’est le nazisme.

 

Le Mal, la Littérature et la Langue.

 

G. Rabinovitch surprend encore, lorsqu’il cite La Philosophie dans le Boudoir  de Sade : il y pointe le Mal sous forme littéraire ; retrouve une proximité étonnante entre le discours sadien et la programmation nazie. Les résonances sont troublantes.

Le langage peut lui aussi devenir toxique. Hypothèse convaincante et inquiétante : la langue contribue à notre vision du monde. Que se passe-t-il lorsque la langue se trouve intoxiquée par les pulsions de mort  ? La sémantique nazie, imbibée de jouissance destructive et mortifère, fait frémir.

Constat effrayant : rien n’est réglé. La dernière partie de l’ouvrage est consacré au génocide rwandais. Ce ne sont plus là des résonances. L’invitation au sadisme, la levée des interdits, une sémantique qui fabrique l’indifférence (les Tutsis sont appelés « cafards » et « serpents », tout comme les victimes des camps étaient désignés par les mots « bacilles » ou « rats ») laissent paraître les mêmes pulsions perverses et mortifères. Rabinovitch opère une démonstration glaçante, qui renvoie tous les témoins de ce nouveau massacre organisé à une culpabilité mondiale.

 

La troisième chute de Satan.

 

L’origine de la violence, de Fabrice Humbert, illustre par le roman la pensée de la « destructivité » : le fatras idéologique nazi au service d’une jouissance mortifère. Rappelons-en les maîtres-mots, mis en lumière par le philosophe : « passion de saccage, délectation de la duplicité, jubilation de l’écrasement des vulnérables » (Voir De la destructivité… , G. Rabinovitch, p. 87.)

L’incipit du roman appelle de nouveau les figures démoniaques dans la représentation littéraire : « On dit que Satan était l’ange le plus brillant de Dieu. Sa chute, lumineuse, fulgurante, est marquée du double sceau de la grandeur et de la trahison. » Le rôle de l’image et du mythe dans la compréhension et l’exploration du Mal absolu, l’expression de l’Innommable, est ainsi revendiqué par l’auteur :

« Ce fut pour moi la troisième et dernière chute de Satan, l’image-clef, à la fois enfantine et mythique, qui gouvernait le destin de notre continent comme l’histoire singulière que j’allais découvrir. »

Sur la piste des investigateurs,  philosophes et historiens, le romancier Humbert commence par relever cet insoutenable paradoxe : Weimar et le camp de Buchenwald, à quelques kilomètres l’un de l’autre…

« Cette coexistence d’une grande pensée, d’un grand art et de ce qu’on a coutume d’appeler le Mal absolu est peut-être à l’image de l’Europe et en ce sens, elle n’est pas mensongère mais simplement révélatrice de notre histoire et de notre destin de civilisation brillante tourmentée par son péché mortel. » (Voir L’origine de la violence, F. Humbert, p.9.)

L’Enfer : un délire glacé.

C’est l’image qui domine le roman : Humbert rejoint Rabinovitch en soulignant la folie collective et l’hybris criminelle du système nazi :

 « Pulsion meurtrière dissimulée sous la froideur de l’organisation, le camp était un délire animé par des fous. » (Voir L’origine de la violence, F. Humbert, p. 95).

Cet Enfer est un « délire glacé ». Formule de l’écrivain qui traduit en mots-images les pulsions de destructivité :  « je n’ai jamais trouvé d’autre signification à cette folie que le plaisir de la mort »

L’image infernale est d’autant plus légitime qu’elle a pu rendre compte, dans les témoignages des victimes, de l’horreur vécue : « Tous les déportés ont parlé de l’enfer des camps ; cette image en apparence éculée est sans doute la plus juste qui puisse convenir, parce qu’il me semble que les constructions religieuses du paradis et de l’enfer ne sont que la projection des fantasmes humains. »

La force de Fabrice Humbert est aussi d’élargir la réflexion : le centre du livre est le Mal radical, celui des camps ; mais il diffuse jusqu’au Mal quotidien : ainsi des tortures infligées à un jeune garçon par ses camarades, un fait divers banal. La mention même, explicite dans son roman, du calvaire d’Ilan Halimi n’autorise jamais le lecteur à penser que le Mal radical est loin de lui. Repérer et discerner le mal quotidien, repérer et discerner cet étranger en soi qu’est la pulsion en général, la pulsion destructrice en particulier, c’est l’impossible mission tracée par l’écrivain :

 « A chacun de trouver la source et le lieu du Mal. Il ne semble pas vain de le découvrir, de l’arracher et de faire place nette. Là est l’espoir des fous, l’illusion des crédules et des démagogues mais c’est aussi la lutte suprême. »

  

Références :

De la destructivité humaine, Fragments sur le Béhémoth,  Gérard Rabinovitch,  PUF, 2009.

L’origine de la violence, Fabrice Humbert, éditions Le Passage, 2009.

Le bouc émissaire, René Girard, Grasset, cité par Jean Teulé.

La culpabilité allemande, Karl Jaspers, éditions de Minuit, 1990.

Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, Didier Decoin, Grasset, 2009.

Entretiens avec Didier Decoin et Gérard Rabinovitch réalisés par Catherine Forestier pour le Normandie Magazine, mai 2009.

 

Gwenaëlle Ledot.

 

Jean Teulé, Mangez-le si vous voulez !

By admin, 2 février 2010 14:37

Je vois Satan tomber comme l’éclair

« Nul n’est à l’abri de l’abominable. Nous sommes tous capables du pire ! » : la quatrième de couverture donne le ton du dernier roman de Jean Teulé, et pose sans suspens la question centrale du roman : pourquoi ? Pourquoi ce déchaînement barbare, insensé, gratuit ?

La trame, nous la connaissons tous : l’auteur s’est inspiré d’une anecdote historique, ancrée dans le Périgord du dix-neuvième siècle. Un jeune noble apprécié de tous, Alain de Monéys, se rend au village de Hautefaye, à quelques kilomètres de chez lui, où il se plaît et où il n’a que des amis : « Une bien belle journée ! » Quelques heures plus tard, sur la base d’un malentendu prétexte, les villageois l’auront battu, torturé, brûlé vif… et mangé. Horreur absolue que Jean Teulé ne va pas nous épargner : les lecteurs sensibles devront s’abstenir. Pas à pas, chapitre par chapitre, lieu par lieu, le chemin de croix d’Alain de Monéys nous est décrit, inéluctable. L’horreur se fait grandissante, presque grand-guignolesque. Le lecteur est partagé entre un écœurement fasciné, une légitime admiration pour la maestria de l’auteur, et la crainte du voyeurisme rampant…Les obsessions littéraires de Teulé, perceptibles depuis Villon et Verlaine, trouvent un chemin d’expansion : le cannibalisme, la torture, le sadisme. Mais elles sont servies par un style magistral qui jongle entre l’épure et le baroque, la sobriété et l’excès. Teulé semble traquer par son questionnement barbare les confins de l’âme humaine, sans jamais en percer le mystère de noirceur.Il serait injuste et facile de reprocher à Teulé, comme on l’a souvent fait, la gratuité de l’horreur, tant le récit parvient, par sa violence même, à poser de bonnes questions. Peu importe que celles-ci ne trouvent pas de réponses définitives. Les pistes d’explicitation à ce déferlement de haine sont, une à une, esquissées, puis balayées: xénophobie et climat guerrier (Alain est pris pour un Prussien), misère sociale, superstition (les paysans redoutent « le lébérou »), hystérie collective… De façon éclairante, Jean Teulé cite un essai de René Girard sur Le Bouc-émissaire. Cependant, aucune explication rationnelle ne parvient à rendre compte de la folie meurtrière et barbare. Le procès du village-criminel est à cet égard édifiant, et les paroles des coupables font frissonner : « J’ai perdu la raison », « Je me suis laissé entraîner », « Fallait-il qu’on soit tous perdus… »Je vois Satan tomber comme l’éclair est le titre d’un autre ouvrage de René Girard : au-delà de la psychologie des foules, qui fascine et questionne sans relâche l’œuvre de Teulé, le mystère du Mal humain reste entier.

Mangez-le si vous voulez, de Jean Teulé, éditions Julliard, mai 2009, 131 pages, 17 €.

Gwenaëlle Ledot

Article paru dans le Normandie Magazine N° 230 Eté 2009           

 

 

 

 

 

Revue Eclipses

By admin, 2 février 2010 11:52

« Éclipses », en quête fantastique

L’équipe caennaise emmenée par Youri Deschamps, Yann Calvet, David Vasse et Jérôme Lauté a fait un beau chemin : le fanzine Éclipses, né en 1994 à l’initiative d’étudiants en arts du spectacle de l’Université de Caen, connaît maintenant une diffusion nationale, et voit ses choix rédactionnels salués par les médias, de France Culture aux Inrockuptibles.

Depuis 2000, la diffusion d’Éclipses est en effet semestrielle (parution en octobre et février) et monographique: chaque numéro est consacré à un cinéaste, un thème, un motif ou, plus généralement, une question d’esthétique posée par le cinéma contemporain. Citons, parmi les plus récentes parutions, Francis Ford Coppola : spleen et idéal et Jean-Pierre Melville, de solitude et de nuit (numéro 44).

Le numéro 45, paru fin 2009, est consacré à l’œuvre éminemment poétique et fantastique du réalisateur japonais Hayao Miyazaki, maître de l’animation dont on connaît les inoubliables Princesse Mononoké, Porco Rosso, Le Voyage de Chihiro

La couverture de ce spécial Miyazaki, flamboyante, laisse place à l’éditorial de Jérôme Lauté et Yann Calvet, qui tracent d’une plume subtile et efficace le parcours d’un génie de l’animation : genèse de L’Enfance de l’art. On sait que Mon Voisin Totoro fut un véritable phénomène de société au Japon ; quant à l’audience internationale, consacrée par un « Ours d’or » à Berlin en 2002 (pour Le Voyage de Chihiro), elle ne cessera de croître, portée notamment par Le Château ambulant en 2004 et Ponyo sur la falaise en 2008.

Le portrait, complété par Stéphane Le Roux, s’efface pour laisser paraître de foisonnantes perspectives sur l’œuvre du réalisateur : l’influence du Shintô (religion traditionnelle du Japon) est explorée par Blaise Zagalia. Quelques références filigranées sont mises en lumière par Jérôme Lauté et Sophie de la Serre: silhouettes de Jonathan Swift et Paul Grimault pour Le Château dans le ciel, écho d’Alice au pays des merveilles dans Le Voyage de Chihiro.

Plus loin, l’histoire japonaise et les événements traumatiques liés à la Seconde Guerre mondiale convoquent, sous la plume de Michaël Delavaud, les thématiques croisées de la destruction et de la renaissance, l’avènement finalement espéré d’une « apocalypse verte ».

Du bestiaire de Miyazaki, on retiendra, via une exploration minutieuse des structures de l’imaginaire, le très fascinant « devenir-poulpe » (Florent Barrère) ; mais encore les mouvements et métamorphoses d’un corps bouleversé (S. E. Ségura, J.-P. Engélibert), qui passe par le gluant, la plasticité, le fluide. Quant aux relations complexes qu’entretiennent l’œuvre du maître Miyazaki et celle de son fils Goro, réalisateur des Contes de Terremer, elles projettent un éclairage nouveau sur la symbolique de Ponyo.

Enfin, la lecture de l’univers féminin, matriarcal, mis en place par Miyazaki laisse entrevoir quelques-unes des ambiguïtés propres à l’œuvre. Ainsi, la survalorisation du féminin et l’infantilisation des figures masculines s’accompagnent d’une étonnante problématique soulevée par Myriam Villain: l’enfermement du Fils éternel dans une relation œdipienne.

C’est à regret que l’on quitte la dernière page de cette exploration approfondie (et richement illustrée) de l’univers de Miyazaki… dans l’envie irrésistible de retrouver vite, très vite, Ponyo, Sophie, Hauru, Chihiro : autant de figures inoubliables, nées d’un imaginaire finalement universel.

Éclipses numéro 45 : Hayao Miyazaki, l’enfance de l’art. Volume dirigé par Yann Calvet et Jérôme Lauté (rédacteur en chef : Youri Deschamps). Format 16 x 23 cm, 140 pages. 10 €.
À paraître (numéros 46 et 47) : Douglas Sirk et Quentin Tarantino.

Gwenaëlle Ledot

Jean-Loup Chiflet, Porc ou cochon ? Les faux-semblants

By admin, 1 février 2010 16:06

Drôle ou spirituel ?

Ces derniers temps, Jean-Loup Chiflet s’est fait connaître du grand public comme l’éditeur de Pascal Fioretto : dans l’excellent (et hilarant) recueil de pastiches Et si c’était niais ? paru en poche il y a peu, il apparaît en clin d’œil sous les traits ingrats de l’éditeur Jean-Louis Chiflon : victime des manies diverses et lubies nombreuses de ses écrivains, Christine Anxiot, Anna Galvauda ou Bernard Werbeux…

Pour égayer notre rentrée, le vrai Chiflet se propose à son tour de résoudre quelques lancinantes questions : whisky ou bourbon ? sashimi ou sushi ? gambas ou crevettes ?

Intitulé Porc ou cochon ? Les faux-semblants, l’ouvrage s’attaque donc à des paires piégées, tous ces mots apparentés ou non, souvent confondus, embûches redoutables du lexique et de la conversation. La mission de Jean-Loup Chiflet est noble: il nous aide à ne point nous embourber en société (houlette ou férule ? calice ou ciboire ? drastique ou draconien ?), voire à briller en société (Oxford ou Cambridge ? pouilly-fumé ou pouilly-fuissé ? Rossini ou Puccini ?)… et paraît surtout décidé à bien s’amuser : Stone ou Charden ? Carla ou Cécilia ? Hédiard ou Fauchon ? Diable, le choix est difficile.

L’ensemble est plaisant, se lit ou se feuillette vite. On apprend un peu, on s’amuse beaucoup. Spirituel, Monsieur Chiflet !

Porc ou cochon ? Les faux-semblants, Jean-Loup Chiflet, éditions Chiflet et Cie, mai 2009, 190 p., 12 €.

Article paru dans le Normandie Magazine n° 231 (septembre octobre 2009) 

Gwenaëlle Ledot.                                                                                                   

Jean-Louis Fournier, Mon dernier cheveu noir

By admin, 1 février 2010 10:35

             Biodégradable

 

Le corps humain est biodégradable : l’une des choses que vous apprendrez par le dernier opus de Jean-Louis Fournier (Prix Femina 2008 pour Où on va, papa ?) En fait, Jean-Louis Fournier ne va plus. À sa manière, caustique et savoureuse, il s’emploie surtout à ciseler quelques vérités : « Mon arrière-grand-père est mort, mon grand-père est mort, mon père est mort… Je crains que ce soit héréditaire. » Le texte, drôle et amer, acide et pétillant, fait défiler quelques personnages ou objets iconiques : une Alice du passé que l’auteur ne reconnaît plus ; un fauteuil-relaxe comme cadeau de retraite ; un toboggan comme métaphore de l’existence. Pierre Desproges, collaborateur et ami intime de Fournier, est toujours dans les parages. Par surprise, après le cynisme léger et l’humour décapant, la poésie, au détour d’une phrase. Comme par hasard, comme la politesse d’un grand : « Avant, je vidais mon verre très vite, je voulais le finir tout de suite, je croyais qu’il y avait une surprise au fond. Je n’ai rien trouvé. »Suivent quelques historiettes pour une destinataire de choix : sa psy. Tous ses lecteurs savent bien que Jean-Louis Fournier n’a pas été épargné par l’existence, mais le but de l’entreprise peut ici vous surprendre : « Ma psy est tristounette, je vais essayer de la requinquer ». Paraboles légères et contes subtils s’enchaînent. La sagesse de Fournier est celle des hommes qui ont cessé, comme l’écrivait Desproges, de « caracoler derrière leur vie ». Avec un résultat, d’ailleurs : « Aux dernières nouvelles, ma psy va beaucoup mieux. Moi, c’est une autre histoire. »Mon dernier cheveu noir, suivi de Histoires pour distraire ma psy, de Jean-Louis Fournier, éditions Anne Carrière, mai 2009, 317 p., 19,50 €. Article paru dans le Normandie Magazine N° 230 Eté 2009             

Gwenaëlle Ledot

  

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