RSS RSS

Category: Romans policiers

Michel Bussi, Nymphéas noirs

By admin, 26 février 2011 12:00

Nymphéas noirs

 

Giverny et  Monet. Les jardins, les nymphéas, toujours recommencés. Les nymphéas seront noirs cette fois, car le polar s’invite au cœur de la mémoire impressionniste : le romancier Michel Bussi (auteur de Code Lupin et Omaha crimes) emmène son lecteur dans un village-souvenir, où évoluent trois silhouettes féminines : une vieille femme en grand deuil, une jeune institutrice et une fillette artiste. « La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste ». Ce conte étrange, né de l’aquatique et du végétal, prend pied et prend fin dans une atmosphère onirique qui tout entier l’absorbe.

Les trois silhouettes dessinent dans Giverny une ronde macabre. Et lorsqu’un médecin, Jérôme Morval, est retrouvé assassiné, ses maîtresses deviennent rapidement des suspectes. Fleurs du deuil, sirènes et Mélusines, les figures féminines occupent l’espace, autant que les pensées du personnage central.

Dans l’air tremblé, l’atmosphère presque engluée de ce trompe-l’œil impressionniste, les lecteurs de Michel Bussi goûteront aussi les clins d’œil qui s’échappent plaisamment du polar : présence (discrète !) du Normandie Magazine, allusions à quelques best-sellers contemporains, refus du pittoresque figé.

Les trois femmes – en rose, en gris, en noir – captivent le jeune policier Laurenç Sérénac, fraichement débarqué du Sud. La tension et le suspens vont ainsi, crescendo, au sein du village-lumière. Mais les mystères qui s’y révèlent, sous l’égide d’Aragon, sont de l’humain avant toute chose : « Une plainte étranglée en renaît plus touchante / Quand l’écho la reprend avec fidélité. »

Gwenaëlle Ledot.

Nymphéas noirs, de Michel Bussi, Paris, Presses de la cité, janvier 2011, 438 pages, 21 euros.

Article paru dans le Normandie Magazine n° 241 du 18 février 2001.          

Site officiel de l’auteur Michel Bussi 

Philippe Huet, Bunker

By admin, 22 décembre 2009 16:57

Une plage du Débarquement, appelée Vollaville, que l’on situera à Omaha Beach. Des souvenirs, beaucoup de souvenirs, et trop de morts. Trop de paroles, aussi. La mer y était rouge, et couverte de bateaux : Alfred Fournier y raconte, éternellement, « son » 6 juin 1944 ; les autres l’écoutent. Et un bunker. Un Allemand, à la recherche d’un passé qui n’est pas le sien ; des Normands, résistants ou de la vingt-cinquième heure ; la nouvelle génération, qui se souvient ou qui s’en fout. Comme toujours sous la plume de Philippe Huet, le lieu est une histoire à lui seul ; l’histoire d’une humanité blessée et pas encore reconstruite ; vieillissante ou combattante. L’intrigue ne fait qu’un avec l’arrière-plan historique, fascinant, tragique.Le polar est la spécialité de Philippe Huet : Quai de l’Oubli a reçu un accueil critique exceptionnel, La Main morte est salué par le grand prix de littérature policière. Le Havre est l’un des lieux familiers de ses textes. Cargaison mortelle ou Quai de l’Oubli ont fait se lever des brouillards à la Simenon, à la Léo Malet ; des eaux-reflets d’une réalité glauque et policière, la morbidité d’un univers qui est avant tout celle d’une société. Transporté sur les plages de la Manche, l’univers de Philippe Huet n’a rien perdu de sa force et de son acuité. On est toujours loin, très loin, du régionalisme gratuit et du faux pittoresque. Les personnages sonnent juste, dans leurs inquiétudes et leurs interrogations, dans leurs malentendus aussi : ainsi en va-t-il de l’erreur persistante sur l’Étranger, qui fait rencontrer l’officier SS derrière le professeur allemand : les reflets sont trompeurs, les hommes décevants et déçus. La trame policière est à la fois simple et stratifiée : la quête des origines à laquelle se livrent l’Allemand désabusé et un ancien enfant du pays fera émerger des secrets enterrés depuis 1944, et va susciter une vague de crimes dans un village « sans histoires ». Trop d’Histoire.Certains cherchent une paix pour toujours : « C’était l’instant béni, noir et vide, où rien n’était à comprendre ou à expliquer ». Pour d’autres, la quête de la Vérité les absorbe presque malgré eux ; gueules cassées ou gueules d’anges, ils seront embarqués vers un passé douloureux. La galerie de personnages est d’une justesse confondante, jusqu’à la fantasmatique Gilda, lolita inattendue et fatale.Dans ce polar historique, l’atmosphère de la petite ville, pesante et grise, révèle toute l’horreur des crimes passés. L’étincelante irréalité des marais blancs du Cotentin, la tristesse infinie des plages lunaires, les vagues de sang pour toujours - mais le toujours n’est jamais certain - ne sont que trop familiers ; des existences parfois épargnées par l’histoire, rarement par la médiocrité et l’ennui, défilent, attachantes ou émouvantes. Ainsi Philippe Huet nous conte-t-il « la vie, la mort, et l’entre-deux ».

Pour mot de la fin, l’épigraphe choisie par l’auteur, extraite de Don’t Come Knocking de Wim Wenders : « Pourquoi avoir laissé passer tout ce temps, Howard ? - Je ne savais pas qu’il passait… »

Gwenaëlle Ledot

Bunker de Philippe Huet, Payot-Rivages, juillet 2008, 219 p., 17,50 €.

Article paru dans le Normandie Magazine N° 224 de septembre-octobre 2008.

 

 

 

 

Persephone Theme by Themocracy