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Andreï Makine, Le Livre des brèves amours éternelles

By admin, 26 février 2011 16:13

Le livre blanc

 

Andreï Makine écrit, une fois de plus, un livre blanc. Où l’histoire de l’homme, des hommes, a pour écrin les grandes neiges de Russie. Splendeur immaculée qui heurte de son éclat les aléas sordides de l’Histoire ; car les hommes de Makine sont blessés, toujours, par la vie, la politique, les systèmes : il est question ici de l’ère stalinienne, ses grandes mascarades et son infinie misère. Baraques perdues de Sibérie, orphelinats vétustes, souffrances des corps et de l’esprit. Retour au chagrin vrai, celui du deuil. Retour à l’amour entraperçu et à jamais douloureux…

« Notre erreur fatale est de chercher des paradis pérennes. » Erreur bien humaine, selon l’auteur, de négliger les plaisirs fugaces pour traquer un bonheur immortel, toujours échappé. « Nous nous croyons destinés à une longévité de statue. » Dans les fragments de vie racontés, peut-être autobiographiques, la rencontre amoureuse sera foulée au pied par la société, la « doctrine », ou simplement la vie… Alors l’écrivain fige dans la glace éternelle du papier des bulles d’espoir. La neige de Russie durera, comme un symbole : promesses d’une vie autre, promesse d’amour… Le narrateur la retrouvera dans une ville varoise : la blancheur des rues exposées au soleil éclatant du Sud le ramène, une fois encore, dans l’éternel voyage de son esprit. « Cette beauté se confondait avec nos respirations ».

Et le blanc demeure, scintillant de promesses changeantes : « un poudroiement solaire », « le grand calme ensoleillé des neiges », « l’étendue pâle d’une vaste vallée. » Le blanc décliné à l’infini par les mots-facettes d’Andreï Makine. Jusqu’au lieu où il frôle la luminescence bleue et, comme une nouvelle étoile, la caresse d’un perce-neige.

Gwenaëlle Ledot.

Le Livre des brèves amours éternelles, d’Andreï Makine, Paris, Seuil, janvier 2011, 204 pages, 18 euros.

Michel Bussi, Nymphéas noirs

By admin, 26 février 2011 12:00

Nymphéas noirs

 

Giverny et  Monet. Les jardins, les nymphéas, toujours recommencés. Les nymphéas seront noirs cette fois, car le polar s’invite au cœur de la mémoire impressionniste : le romancier Michel Bussi (auteur de Code Lupin et Omaha crimes) emmène son lecteur dans un village-souvenir, où évoluent trois silhouettes féminines : une vieille femme en grand deuil, une jeune institutrice et une fillette artiste. « La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste ». Ce conte étrange, né de l’aquatique et du végétal, prend pied et prend fin dans une atmosphère onirique qui tout entier l’absorbe.

Les trois silhouettes dessinent dans Giverny une ronde macabre. Et lorsqu’un médecin, Jérôme Morval, est retrouvé assassiné, ses maîtresses deviennent rapidement des suspectes. Fleurs du deuil, sirènes et Mélusines, les figures féminines occupent l’espace, autant que les pensées du personnage central.

Dans l’air tremblé, l’atmosphère presque engluée de ce trompe-l’œil impressionniste, les lecteurs de Michel Bussi goûteront aussi les clins d’œil qui s’échappent plaisamment du polar : présence (discrète !) du Normandie Magazine, allusions à quelques best-sellers contemporains, refus du pittoresque figé.

Les trois femmes – en rose, en gris, en noir – captivent le jeune policier Laurenç Sérénac, fraichement débarqué du Sud. La tension et le suspens vont ainsi, crescendo, au sein du village-lumière. Mais les mystères qui s’y révèlent, sous l’égide d’Aragon, sont de l’humain avant toute chose : « Une plainte étranglée en renaît plus touchante / Quand l’écho la reprend avec fidélité. »

Gwenaëlle Ledot.

Nymphéas noirs, de Michel Bussi, Paris, Presses de la cité, janvier 2011, 438 pages, 21 euros.

Article paru dans le Normandie Magazine n° 241 du 18 février 2001.          

Site officiel de l’auteur Michel Bussi 

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