RSS RSS

Didier Decoin, Une Anglaise à bicyclette

By admin, 17 juillet 2011 14:21

Vent et nuage.

« Je les vois de mon cœur car mes yeux sont fermés. Mon amour au-dessus des fleurs n’a laissé que vent et nuage. » (René Char)

 

Le premier chapitre du roman de Didier Decoin, comme un coup de poing : la fuite éperdue et sanglante d’une femme sioux, pour la vie d’un enfant. Un massacre perpétré par les hommes du colonel Forsyth, dans les plaines du Dakota du Sud. Et un témoin, Jayson Flannery, photographe ambigu :

« Jayson a pris de nombreux clichés des corps éparpillés, raidis par le froid dans des poses parfois très belles qui font penser à la façon dont la nature torsade et noue les arbres. »

Une fillette indienne, rescapée de l’horreur, est confiée faute de mieux à Flannery. Lequel est censé en faire… quoi ? La pensionnaire d’un orphelinat ? Une servante ? Car le sort d’Ehawee n’intéresse personne. L’enfant, vite rebaptisée Emily, est confiée aux Sœurs de la Charité du New York Foundling Hospital :

« Si elles ne réussissent pas à la requinquer suffisamment pour l’embarquer à bord d’un train d’orphelins, elles la garderont à l’hôpital pour faire la lessive et rafistoler les vêtements des autres enfants. »

Le destin d’Ehawee bascule lorsque Jayson Flannery décide de l’adopter. La fillette sera présentée comme l’orpheline d’une famille de cultivateurs irlandais. Pivotant sur un instant de doute (« A-t-il, en partant, déposé un baiser sur le front d’Emily ? »), le récit ouvre grand le champ des possibles.

Alors, le souffle romanesque de Decoin emporte et brasse ses personnages : dans une campagne anglaise battue des vents apparaissent Emily Brontë, Conan Doyle, des attrapeurs de rêve et des petites fées… Errance dans les limbes, entre le monde dense de la mort (Omnipresence of Death est le titre choisi par Jayson Flannery) et celui des vivants, en partance.

Cet entre-deux s’illumine de présences incertaines : une Anglaise indienne sur sa bicyclette, deux petites filles qui croient aux fées, des vieilles dames retrouvant leur splendeur passée. Un vent doux caresse les personnages et les porte au-delà de la mort…

 

« Il semble que ce soit le ciel qui ait le dernier mot. Mais il le prononce à voix si basse que nul ne l’entend jamais. » (Paul Eluard)

 

Didier Decoin, Une Anglaise à bicyclette aux éditions Stock, juin 2011.
Gwenaëlle Ledot.
 

Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.

Persephone Theme by Themocracy