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Jérôme Garcin, Les livres ont un visage

By admin, 3 janvier 2010 15:48

Une grande famille.

Rappelons-le, non sans plaisir : Jérôme Garcin est un écrivain normand. Le numéro spécial de Normandie Magazine, Écrivains de Normandie, a consacré, il y a quelque temps, une notice à l’auteur de la Chute de cheval (prix Nimier en 1998), au maître d’œuvre du Masque et la Plume, au critique littéraire du Nouvel Observateur, au spécialiste de Jean Prévost.

Son dernier ouvrage, Les livres ont un visage, évoque sa famille en littérature. Des visites rendues, des rencontres amicales et admiratives avec Éric Holder, Jonathan Littell, Sempé, d’autres encore. Garcin recueille les réflexions, les confidences et les lectures. Il est question des livres, de tous les livres.L’ouverture de l’opus commence avec d’autres grands, pas tout à fait disparus, et nous fait pénétrer, de façon fugace et frustrante, dans l’intimité de quelques-uns : Paul Morand nous emmène chez Marcel Proust, fait découvrir le champagne tiède, les pommes frites préparées par Céleste, les « yeux orientaux » de l’écrivain. Nous retrouvons Alphonse Daudet, malade et soutenu par le même Proust; Françoise Sagan prenant soin de Sartre vieillissant. Ronde infinie, où les uns croisent les autres, où les nouveaux citent les anciens…Les époques et les genres s’y mêlent avec gaieté et respect: Éric Holder chantonne du Vincent Delerm. Jonathan Littell évoque Kafka. Julian Barnes vénère Flaubert et Mallarmé.L’autre guide de l’ouvrage, dont la présence parcourt les pages en fil d’Ariane, c’est le père de Jérôme Garcin: Philippe Garcin, l’éditeur, l’ami des écrivains, l’initiateur au monde du livre.Des figures se succèdent, étonnantes ou émouvantes: Jonathan Littell, en ange noir, décidément. Patrick Rambaud en sa Normandie : la Manche argentée de Trouville. Julien Gracq se refuse à écrire « le livre de trop » et vit sereinement ses jours de « retraité intégral ». La figure mystérieuse de J.M.G. Le Clézio, éternel voyageur revenu en sa Bretagne. On découvre Gabrielle Wittkop, l’étonnante « vieille dame indigne » ; on redécouvre Régis Jauffret. Garcin redessine la silhouette de Zouc, ses farces grinçantes, son humanité.Chapitre « Un philosophe dans la nuit » : Il s’agit de Clément Rosset, qui prend soudain les traits du Vladimir de Godot. Jérôme Garcin nous rappelle à son œuvre, littéraire et philosophique, forte et désillusionnée. Nous apprenons, par hasard, que l’auteur du justement célèbre Traité de l’Idiotie est normand, lui aussi : « Dehors, une pluie normande n’a pas cessé de tomber sur Paris. Clément Rossé jauge en souriant sa vieille amie. C’est un natif de Carteret, un nageur d’eau froide, un tutoyeur de vent. »

Julien Gracq est mort le samedi 22 décembre 2007: pour tous les amoureux d’Argol et des Syrtes, un phare s’éteint : « On s’enfonce dans le temps comme on fonce dans le brouillard. Nous reverrons-nous ? Je ne sais. » (extrait d’une lettre écrite à Jérôme Garcin en 2004). Julien Gracq est parti, doucement. D’autres restent, d’autres viennent…

Une douce mélancolie illumine ces pages… C’est le monde, et ce n’est plus tout à fait le monde. Plutôt la lumière tiède d’un bureau, le clair-obscur d’une bibliothèque. C’est Jérôme Garcin qui vous invite.

Jérôme Garcin, Les livres ont un visage, éditions Mercure de France, décembre 2008, 234 p., 17 €.

Gwenaëlle Ledot.

Article paru dans le Normandie Magazine N° 228 avril-mai 2009.

 

 

 

 

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