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Patrick Modiano, L’herbe des nuits

By admin, 28 octobre 2012 7:51

 

« Ah ! Que la vie est quotidienne…»[1]

 

Dans L’Herbe des nuits, le narrateur prend des notes. Précises, parcellaires ; essentielles et  énigmatiques, dans un petit carnet. Lieux, rues et quartiers parisiens : l’Unic Hôtel, les Gobelins, Jussieu, le Luxembourg. Il recense des rencontres de hasard : une femme nommée (peut-être) Dannie et un faux étudiant. Autant de silhouettes esquissées, puis reprises, redessinées, complétées au fil du roman, qui croisent des figures illustres et venues du passé. Car le narrateur tricote aussi des existences littéraires : Charles Cros, Tristan Corbière, Jeanne Duval sont l’autre mémoire parisienne.

Quand ? Peut-être en janvier… Les saisons comme les silhouettes se croisent et se confondent. La mémoire se noie dans une brume bleue, gouttelettes de souvenirs en pluie fine. On imagine Paris nocturne, sous les lampadaires incertains. Le narrateur à la recherche d’une femme, d’un temps recommencé, d’une lumière tremblotante. Une fenêtre éclairée, où peut-être quelqu’un vous attend. Peut-être pas, d’ailleurs.

Au milieu de cette brume bleue, il y a un crime, auquel on ne s’intéresse pas. Le narrateur, lui, note. Garde des preuves de l’existence des gens, des choses. Il y a eu cette femme autrefois, et il y a eu Paris. Quelques petits cailloux de souvenirs qui persistent, résistent, n’empêchant pas cette dilatation étonnante du temps et de l’espace. Un art de mémoire.

 

L’Herbe des nuits, Patrick Modiano, Paris, Gallimard, septembre 2012.

Gwenaëlle Ledot


[1] Jules Laforgue, Complainte sur certains ennuis.

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