Andreï Makine, Le Livre des brèves amours éternelles
Le livre blanc
Andreï Makine écrit, une fois de plus, un livre blanc. Où l’histoire de l’homme, des hommes, a pour écrin les grandes neiges de Russie. Splendeur immaculée qui heurte de son éclat les aléas sordides de l’Histoire ; car les hommes de Makine sont blessés, toujours, par la vie, la politique, les systèmes : il est question ici de l’ère stalinienne, ses grandes mascarades et son infinie misère. Baraques perdues de Sibérie, orphelinats vétustes, souffrances des corps et de l’esprit. Retour au chagrin vrai, celui du deuil. Retour à l’amour entraperçu et à jamais douloureux…
« Notre erreur fatale est de chercher des paradis pérennes. » Erreur bien humaine, selon l’auteur, de négliger les plaisirs fugaces pour traquer un bonheur immortel, toujours échappé. « Nous nous croyons destinés à une longévité de statue. » Dans les fragments de vie racontés, peut-être autobiographiques, la rencontre amoureuse sera foulée au pied par la société, la « doctrine », ou simplement la vie… Alors l’écrivain fige dans la glace éternelle du papier des bulles d’espoir. La neige de Russie durera, comme un symbole : promesses d’une vie autre, promesse d’amour… Le narrateur la retrouvera dans une ville varoise : la blancheur des rues exposées au soleil éclatant du Sud le ramène, une fois encore, dans l’éternel voyage de son esprit. « Cette beauté se confondait avec nos respirations ».
Et le blanc demeure, scintillant de promesses changeantes : « un poudroiement solaire », « le grand calme ensoleillé des neiges », « l’étendue pâle d’une vaste vallée. » Le blanc décliné à l’infini par les mots-facettes d’Andreï Makine. Jusqu’au lieu où il frôle la luminescence bleue et, comme une nouvelle étoile, la caresse d’un perce-neige.
Gwenaëlle Ledot.
Le Livre des brèves amours éternelles, d’Andreï Makine, Paris, Seuil, janvier 2011, 204 pages, 18 euros.
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