Nymphéas noirs
Giverny et Monet. Les jardins, les nymphéas, toujours recommencés. Les nymphéas seront noirs cette fois, car le polar s’invite au cœur de la mémoire impressionniste : le romancier Michel Bussi (auteur de Code Lupin et Omaha crimes) emmène son lecteur dans un village-souvenir, où évoluent trois silhouettes féminines : une vieille femme en grand deuil, une jeune institutrice et une fillette artiste. « La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste ». Ce conte étrange, né de l’aquatique et du végétal, prend pied et prend fin dans une atmosphère onirique qui tout entier l’absorbe.
Les trois silhouettes dessinent dans Giverny une ronde macabre. Et lorsqu’un médecin, Jérôme Morval, est retrouvé assassiné, ses maîtresses deviennent rapidement des suspectes. Fleurs du deuil, sirènes et Mélusines, les figures féminines occupent l’espace, autant que les pensées du personnage central.
Dans l’air tremblé, l’atmosphère presque engluée de ce trompe-l’œil impressionniste, les lecteurs de Michel Bussi goûteront aussi les clins d’œil qui s’échappent plaisamment du polar : présence (discrète !) du Normandie Magazine, allusions à quelques best-sellers contemporains, refus du pittoresque figé.
Les trois femmes – en rose, en gris, en noir – captivent le jeune policier Laurenç Sérénac, fraichement débarqué du Sud. La tension et le suspens vont ainsi, crescendo, au sein du village-lumière. Mais les mystères qui s’y révèlent, sous l’égide d’Aragon, sont de l’humain avant toute chose : « Une plainte étranglée en renaît plus touchante / Quand l’écho la reprend avec fidélité. »
Gwenaëlle Ledot.
Nymphéas noirs, de Michel Bussi, Paris, Presses de la cité, janvier 2011, 438 pages, 21 euros.