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Posts tagged: rivages

Philippe Huet, Dribbling

By admin, 13 juillet 2010 16:41

Du foot !

La bonne surprise, exclusivement normande, du moment : une histoire de foot née sous la plume de Philippe Huet, auteur renommé de polars.Le ton est donné par une petite phrase de Peter Ustinov : « Les Anglais ont inventé beaucoup de sports, car dès qu’ils se sentent dépassés dans l’un d’entre eux par une nation étrangère, ils en inventent un autre. »C’est en 1872. Godefroy Pouillès, originaire du Bordelais, s’ennuie à mourir dans la ville du Havre, incapable qu’il est d’apprécier à leur juste valeur les menus plaisirs locaux : la cuisine typiquement normande du père Théodule, « religion culinaire à triple facette normande : beurre, crème, fromage. Le reste, dans l’assiette, n’est qu’ornement décoratif », ou encore les délices de l’hiver en région havraise : « Des pluies froides et des vents en tempête qui finissent par vous tordre les nerfs et vous donner des coups de gongs dans la tête. »Ledit Godefroy verra cependant son attachement modéré à notre belle région croître de jour en jour et de page en page. Au point d’ailleurs de délaisser l’été bordelais pour la douceur des jours normands : « Un été de grand Ouest. Avec ses saveurs marines, et ses coups de vent qui déboulent sans prévenir. Matinées fraîches, soirées frissonnantes. Et au milieu, de belles journées légères, qui ne voient pas le ciel vous tomber dessus comme du plomb. » Cette évolution, par la grâce du foot. Notre horsain assiste un jour à un spectacle incroyable : bagarre, massacre, meute en folie, bande vociférante : « Douze débiles, anglais de surcroît, qui se tabassent pour une balle, ce serait un peu fort, non ? » C’est le football, qui n’a pas encore de nom, qui n’a pas encore de règles, qui oscille entre dribbling et hand-ling. Le football qui naît, dans une pleine fraîcheur et dans l’enthousiasme : soccer ? football-rugby ? Le foot se cherche un nom.Une histoire passionnante commence là : histoire de passionnés, une histoire passionnelle, qui fait oublier les pires travers du sport contemporain. Pour ceux qui aiment le foot; et pour les autres, surtout.Dribbling, Philippe Huet, éditions Rivages, mars 2010, 222 pages, 17 €.Gwenaëlle Ledot

 Acticle publié dans le Normandie Magazine N° 237 - juillet 2010. 

          

Philippe Huet, Bunker

By admin, 22 décembre 2009 16:57

Une plage du Débarquement, appelée Vollaville, que l’on situera à Omaha Beach. Des souvenirs, beaucoup de souvenirs, et trop de morts. Trop de paroles, aussi. La mer y était rouge, et couverte de bateaux : Alfred Fournier y raconte, éternellement, « son » 6 juin 1944 ; les autres l’écoutent. Et un bunker. Un Allemand, à la recherche d’un passé qui n’est pas le sien ; des Normands, résistants ou de la vingt-cinquième heure ; la nouvelle génération, qui se souvient ou qui s’en fout. Comme toujours sous la plume de Philippe Huet, le lieu est une histoire à lui seul ; l’histoire d’une humanité blessée et pas encore reconstruite ; vieillissante ou combattante. L’intrigue ne fait qu’un avec l’arrière-plan historique, fascinant, tragique.Le polar est la spécialité de Philippe Huet : Quai de l’Oubli a reçu un accueil critique exceptionnel, La Main morte est salué par le grand prix de littérature policière. Le Havre est l’un des lieux familiers de ses textes. Cargaison mortelle ou Quai de l’Oubli ont fait se lever des brouillards à la Simenon, à la Léo Malet ; des eaux-reflets d’une réalité glauque et policière, la morbidité d’un univers qui est avant tout celle d’une société. Transporté sur les plages de la Manche, l’univers de Philippe Huet n’a rien perdu de sa force et de son acuité. On est toujours loin, très loin, du régionalisme gratuit et du faux pittoresque. Les personnages sonnent juste, dans leurs inquiétudes et leurs interrogations, dans leurs malentendus aussi : ainsi en va-t-il de l’erreur persistante sur l’Étranger, qui fait rencontrer l’officier SS derrière le professeur allemand : les reflets sont trompeurs, les hommes décevants et déçus. La trame policière est à la fois simple et stratifiée : la quête des origines à laquelle se livrent l’Allemand désabusé et un ancien enfant du pays fera émerger des secrets enterrés depuis 1944, et va susciter une vague de crimes dans un village « sans histoires ». Trop d’Histoire.Certains cherchent une paix pour toujours : « C’était l’instant béni, noir et vide, où rien n’était à comprendre ou à expliquer ». Pour d’autres, la quête de la Vérité les absorbe presque malgré eux ; gueules cassées ou gueules d’anges, ils seront embarqués vers un passé douloureux. La galerie de personnages est d’une justesse confondante, jusqu’à la fantasmatique Gilda, lolita inattendue et fatale.Dans ce polar historique, l’atmosphère de la petite ville, pesante et grise, révèle toute l’horreur des crimes passés. L’étincelante irréalité des marais blancs du Cotentin, la tristesse infinie des plages lunaires, les vagues de sang pour toujours - mais le toujours n’est jamais certain - ne sont que trop familiers ; des existences parfois épargnées par l’histoire, rarement par la médiocrité et l’ennui, défilent, attachantes ou émouvantes. Ainsi Philippe Huet nous conte-t-il « la vie, la mort, et l’entre-deux ».

Pour mot de la fin, l’épigraphe choisie par l’auteur, extraite de Don’t Come Knocking de Wim Wenders : « Pourquoi avoir laissé passer tout ce temps, Howard ? - Je ne savais pas qu’il passait… »

Gwenaëlle Ledot

Bunker de Philippe Huet, Payot-Rivages, juillet 2008, 219 p., 17,50 €.

Article paru dans le Normandie Magazine N° 224 de septembre-octobre 2008.

 

 

 

 

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