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Dominique Bussillet, Barbey d’Aurevilly, une nature ardente

By admin, 26 décembre 2009 13:44


Remy de Gourmont et Proust, Flaubert, et Mirbeau encore : Dominique Bussillet se meut avec aisance dans l’univers littéraire. Il y a là davantage qu’une bibliothèque. C’est une demeure, un foyer, une vie peut-être. S’est-elle longtemps couchée de bonne heure ? A-t-elle habité sous de vastes portiques ? Auteur reconnu de plusieurs essais, dont Marcel Proust (2002) et Les Énervés de Jumièges (2007), Dominique Bussillet est une fine lectrice ; qui évoque avec feu le conteur Barbey, ravive pour nous les flammes d’Hermangarde et de Hauteclaire, anime la lande de Lessay et retrace, portée par une iconographie inspirée, les « promenades funèbres » de l’écrivain normand.

Cet homme de contrastes, notre « Éreinteur » (1), Dominique Bussillet le touche au cœur, très vite ; révèle dans les premières pages de l’essai une faille, selon elle fondatrice. Le pourquoi, le comment, l’origine du gouffre : le désamour d’une mère qui fera de Barbey, et à jamais, un enfant errant.

L’errance et les contrastes s’incarnent alors dans les villes aurevilliennes : Saint-Sauveur, Valognes – mises en lumière, si l’on ose l’écrire, par les gravures de Gilbert Bazard. Elles happent, elles fascinent. Et nous y sommes : le mystère des salons, le pavé mouillé, les hôtels embrumés et illuminés. De là, Dominique Bussillet fait palpiter le rouge et le noir, le rideau, l’obscurité, le pique et le cœur. Un « too late, never more » de Barbey la retient. À la suite de Jacques Petit, elle perçoit la quête personnelle et égotiste tracée, à grands coups de plume, dans l’œuvre aurevillienne : l’écriture comme un coup d’épée. Barbey, conquérant de l’écriture, chevalier de la gloire littéraire (« celle qui ne meurt pas »), est aussi l’enfant triste, qu’elle fait dialoguer avec Proust. Les sensibilités se croisent, réfractées par une lecture passionnée et émue.

Soutenu par l’obscure clarté des gravures, l’ouvrage célèbre en itinéraire les éléments du pays normand : l’eau, la terre, l’eau et la terre mêlée des marais, « semis de plaques métalliquement étincelantes comme des îlots de
lumière » (2). Une poétique singulière du pays d’ici, le Cotentin. Et l’Océan pour limite. Poème de variété et métamorphose que Barbey a perçues mieux que tout autre : « Il y a de toutes les contrées dans cette contrée » (3). Plus loin, c’est l’enfer. L’enfer de La Croix-Jugan et du Quesnay. L’enfer aussi comme une pensée, comme les arbres torturés et les paysages souffrants de Gilbert Bazard. Pour cette « nature ardente », Dominique Bussillet a reçu le 18 octobre 2008, à Saint-Sauveur-le-Vicomte, le prix littéraire du Cotentin.

Barbey d’Aurevilly, une nature ardente. Essai de Dominique Bussillet, gravures de Gilbert Bazard, Cahiers du Temps, mars 2008, 111 pages, 16 €.

(1) « Barbey l’éreinteur », in Normandie Magazine n° 223, juillet-août 2008.
(2) Barbey d’Aurevilly cité par Dominique Bussillet, op. cit. p. 58.
(3) Ibid. p. 46.

Gwenaëlle Ledot

Article paru dans le Normandie Magazine N° 225, octobre-novembre 2008.

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