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Annie Enaux, L’Atelier noir

By admin, 10 octobre 2011 9:48

Plus que la vie.

 

Recueil rose pour l’œuvre au noir… Annie Ernaux expose et explore un “parcours d’hésitation”,  ainsi nommé « corps à corps avec l’écriture ». L’atelier noir rend palpables la durée, la souffrance, la quête des mots et des formes. Une réflexion incarnée et physique, sur l’écriture et par l’écriture.

Un chemin balisé de phares littéraires, Peter Härtling, Flaubert, Proust… dont elle jauge et questionne l’œuvre : « Proust, c’est assez lourd, mal écrit parfois, ennuyeux à hurler, ou dérisoire, mais la beauté, l’importance, viennent de la recherche, du projet de connaissance, qui de ce fait a transformé l’histoire de la littérature. »

Eviter la littérature ? Paradoxe ultime soutenu depuis longtemps par Annie Ernaux, qui revendique d’écrire « en-dessous de la littérature » ; « écrire pour faire advenir un peu de vérité. Mais que cette vérité ne soit pas advenue seulement pour une élite ». Cette vérité est exigée par l’auteur, extirpée au monde qui l’entoure et à sa chair même. « Dire le monde, et pourquoi. »

Ecriture au couteau, où la vérité s’arrache par lambeaux. Jusqu’à dissolution du moi, s’il le faut : « Or, quand j’écris vraiment, je m’aperçois que je n’ai pas de moi… »

 

Et, pendant ce temps même, atteindre le plus intime…

L’icône de L’atelier noir est une œuvre picturale, qui hante le projet : L’anniversaire de Dorothea Tanning. Figure de femme, transfigurée par l’art, mais aussi vecteur de l’art ; corps sacrificiel et néanmoins triomphant.

De jour en jour, mots en mots, le projet d’écriture d’Annie Ernaux éclot et se ramifie en plusieurs feuillets, plusieurs volets : d’abord, le récit de la « ville-nouvelle », ville de banlieue. Il s’agit de Cergy. Il y aura Journal du dehors en 1993 et La vie extérieure en 2000. Cergy sera « la coulée froide » de l’écriture.

Plus tard, l’auteur arrache à sa vie souffrante un récit âpre : ce seront Passion simple et Se perdre, nés de son amour pour le diplomate russe Serguei, dit S. L’histoire indicible : « J’écrirai un livre sur toi devient : je n’écrirai pas un livre sur toi, mais je l’écris quand même. C’est ce non-livre qui devient le livre. »

Peu à peu, présence et absence de S. reviennent au même, reviennent aux mots :

« Ce désir, la jointure la plus mince entre la littérature et la vie, ne concerne que la relation S. C’est évidemment très fort et neuf poussé à cette limite. »

 

« Mais comment agencer tout cela : que l’amour c’est de l’écriture vécue, que l’écriture c’est de l’amour écrit ? »

Le fil des mots encercle l’enjeu : se trouver soi-même en disparaissant… s’évanouir et faire place à l’écrit.

L’atelier noir, d’Annie Ernaux, éditions des Busclats, septembre 2011.

Gwenaëlle Ledot.

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