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Belinda Cannone, Nu intérieur

By admin, 2 août 2015 9:57

Fugitive

Le narrateur est à la recherche d’un désir fondamental. Il connaît l’exigence commune des nantis, cet impérieux appel : se sentir vivre, totalement, aller jusqu’à plus que soi. Exigence de tomber amoureux et d’enflammer une vie. Dans cette vie satisfaisante, que l’on pourrait dire accomplie, manquent soudain le feu, l’énergie, la dévoration de l’être. « Le cœur qu’on se suppose… »

C’est l’objet de ce récit amoureux ; c’est l’objet cruel et commun ; est-ce plus que cela, ou est-ce moins ? Rien ne paraît ; pas de jugement. L’auteur cisèle le récit d’une passion avec une lucidité minérale que l’on compare à du Benjamin Constant.
Le narrateur est amoureux parce que la nouvelle femme, appelée « Ellénore », est fugitive. Un charme. Qu’elle soit ou non son genre, il la traque, « elle », « l’autre ». L’incarnation indiscutable du désir amoureux. Parce qu’elle semble d’abord lui échapper, ils s’engloutissent inéluctablement dans un feu charnel. Le roman célèbre avec eux joie vitale et énergie érotique, récit originel toujours recommencé.
Pendant ce temps, l’autre femme, appelée « L’Une », coexiste. Car il ne sera jamais question de sacrifier sa présence, encore moins de sacrifier le couple premier. Cette femme, qui est l’Une, devrait rester l’Unique.
Ellénore devenue prisonnière, le piège amoureux paradoxal se referme également sur le narrateur. Glissement inéluctable vers la froideur, la rancœur de la Prisonnière. Angoisse de perdre le feu intérieur, le nu intérieur. La force du désir se heurte à la perspective de la perte.
L’impossibilité de renoncer mène au deuil annoncé d’une passion fugitive…     “Le cœur qu’on se suppose n’est pas le cœur qu’on a.” (1)

Nu intérieur, de Belinda Cannone, éditions de l’Olivier, 2015.

Gwenaëlle Ledot.


(1) Diderot, cité en épigraphe par Belinda Cannone

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